CHANGEMENT DE TON A OTTAWA DANS LE DOSSIER DES RELATIONS CANADA-CHINE
Dans les relations Canada-Chine, on a assist� depuis quelque temps � un important changement de ton de la part d'Ottawa. Les premiers signes sont apparus au mois de mars lors de l'�lection pr�sidentielle � Taiwan. L'�lection a �t� remport�e par le candidat du parti nationaliste Kuomintang, Ma Ying-jeou, qui pr�ne un rapprochement avec P�kin.L'avenir des relations avec P�kin constituait l'un des principaux enjeux de l'�lection. Les �lecteurs �taient aussi invit�s � participer � deux r�f�rendums sur une question tr�s d�licate, c'est � dite une candidature de Ta�wan aux Nations unies. Aucune des deux propositions, la premi�re portant sur une adh�sion sous le nom officiel de Ta�wan et la seconde sous le nom officiel de R�publique de Chine n'a recueilli suffisamment de suffrages pour �tre adopt�es. Mais au Canada, on avait vu le potentiel incendiaire de ce referendum. C'est pourquoi, quelques jours auparavant, le Canada avait envoy� un premier signal clair � P�kin � ce sujet. Le ministre canadien des Affaires �trang�res Maxime Bernier avait d�clar� que le Canada �tait pr�occup� "par le fait que l'objectif du r�f�rendum du 22 mars relativement � l'adh�sion de l'�le � l'ONU sous le nom de Taiwan attise inutilement les tensions de part et d'autre du d�troit." Le Canada disait donc s'opposer au r�f�rendum en invoquant le fait qu'il ne contribuerait aucunement, "� la paix et la s�curit� dans la r�gion". Au lendemain de l'�lection taiwanaise, le Canada a f�licit� le vainqueur, Ma Ying-jeou en rappelant surtout "l'engagement majeur" de ce dernier soit "l'am�lioration des relations avec la Chine." Et le ministre prenait la peine d'ajouter que cet engagement correspondait � "la position pr�conis�e par le Canada depuis longtemps". C'est une intervention qui a �t� remarqu�e � P�kin. Dans les jours suivants, le porte-parole du minist�re chinois des Affaires �trang�res, Qin Gang, faisait savoir que la Chine avait remarqu� le discours de M. Bernier du 12 mars. La Chine, disait le porte-parole chinois, salue ses propos selon lesquels le gouvernement canadien adh�re au principe d'une seule Chine, consid�re le gouvernement de la R�publique populaire de Chine comme le seul gouvernement l�gal de Chine, et s'oppose au "r�f�rendum sur l'adh�sion � l'Onu" propos� par les autorit�s de Taiwan". Si la Chine a marqu� le coup, c'est que depuis que le gouvernement conservateur est au pouvoir au Canada, il pouvait y avoir une certaine ambigu�t�. Et les dirigeants chinois ne s'�taient d'ailleurs pas priv� de le faire remarquer. Cela �tait apparu en janvier, lors de la visite � P�kin du ministre canadien du Commerce international, David Emerson, visite qui avait pris peu de relief surtout que cela coincidait avec une visite priv�e de l'ancien premier ministre Jean Chr�tien, beaucoup plus remarqu�e. Dans leurs discussions avec M. Chr�tien les autorit�s chinoises avaient soulign� l'importance de "traiter les questions sensibles avec attention." L'allusion �tait claire. A P�kin, on consid�rait qu'il y avait un certain manque de d�licatesse � Ottawa, pourrait-on dire, relativement � certains sujets "sensibles". La presse chinoise avait pris soin �galement de rapporter les propos de Jean Chr�tien qui s'est dit d'accord avec la vision des choses de son interlocuteur et qui a �galement tenu � souligner que la politique d'une seule Chine" �tait la position constante du gouvernement canadien." Qu'est qui avait amen� les autorit�s chinoises � s'inqui�ter des positions du Canada? Un l�ger retour en arri�re est n�cessaire. En 2005, un d�put� de l'opposition conservatrice, Jim Abbott, avait pr�sent� un projet de loi priv� pour que le Canada �tablisse des relations formelles avec Taiwan. Cela ne s'est pas fait, bien s�r. L'adoption d'un projet de loi priv� est chose extr�mement rare au Parlement. N�anmoins, le Conseil Canadien des Chefs d'Entreprises avait pris la peine d'�crire au premier ministre et au chef de l'opposition pour attirer l'attention sur ce que seraient les " graves cons�quences �conomiques � long terme" d'une telle initiative. On soulignait que les relations �conomiques Canada-Chine seraient inutilement expos�es � des risques. Si ce projet d'un d�put� conservateur a �t� remarqu� par les gens d'affaires au Canada, nul doute que la Chine l'a aussi remarqu�. Par ailleurs, le principe d'"une seule Chine" s'applique �galement au Tibet aux yeux de P�kin. Or, r�cemment, il y a eu une visite du dalai lama � Ottawa dans un cadre officiel. Cette visite, avaient affirm� les autorit�s chinoises, nuirait "gravement" � la relation entre la Chine et le Canada. Les autorit�s chinoises ont eu l'occasion de manifester leur m�contentement mais il semble maintenant qu' � P�kin on se concentre sur les assurances donn�es par le chef de la diplomatie canadienne. Le gouvernement conservateur a totalement clarifi� les choses en revenant clairement � l'esprit du communiqu� du 13 octobre 1970 qui �tablissait les relations diplomatiques entre le Canada et la Chine et dans lequel le gouvernement canadien prenait note de la revendication chinoise sur Taiwan, reconnaissait le gouvernement de P�kin comme le seul gouvernement l�gitime en Chine et mettait fin � ses relations diplomatiques avec Taiwan. Entretemps, il y a eu les manifestations tib�taines. Les affrontements entre manifestants tib�tains, dont de nombreux moines, et forces de l'ordre chinoises ont fait 19 morts, selon P�kin, mais 140 selon des organisations tib�taines en exil. La r�action internationale a �t� forte. Mais encore l�, il faut noter que le ton est plut�t mod�r� du c�t� canadien. Le Premier ministre canadien Stephen Harper a conseill� � la Chine de "prendre au s�rieux" les critiques sur son respect des droits de l'Homme, tout en soulignant que le Canada n'avait pas l'intention de boycotter la c�r�monie d'ouverture des jeux Olympiques de P�kin. Il a pr�cis� qu'il n'avait jamais eu l'intention d'aller � la c�r�monie d'ouverture en personne mais que le Canada pr�voyait �tre repr�sent� par une d�l�gation de hauts fonctionnaires aux c�r�monies d'ouverture. Il n'a pas �cart� une possible pr�sence politique � ces c�r�monies. C'est un ton beaucoup moins s�v�re que celui adopt� par d'autres pays, comme la France, pas exemple. Bref, apr�s un certain refroidissement, il semble que tant le Canada que la Chine qui est confront�e � sa pire crise depuis 1989 aient d�cid� qu'il �tait dans leur int�r�t mutuel d'entretenir de bonnes relations. Ne perdons pas les chiffres de vue. En 2007, au sein du G7, c'est le Canada qui a connu la plus forte hausse des exportations de marchandises vers la Chine. Et Statistique Canada vient de nous apprendre, ces jours-ci, que la Chine figure maintenant au troisi�me rang des plus importants march�s d'exportation du Canada. Le changement de ton adopt� par le gouvernement conservateur canadien semble cependant encore quelque peu incertain. Peut-�tre encore trop r�cent ou trop subit pour faire un total consensus au sein du gouvernement. Le 9 avril, le leader du gouvernement � la Chambre des communes, Peter Van Loan, a dit qu'il n'y aurait pas de boycott des jeux, ajoutant cependant "pour ce qui est des c�r�monies d'ouverture, nous n'avons pas fait d'annonce pr�cise". Deux jours avant, le ministre f�d�ral de la D�fense nationale, Peter MacKay, avait affirm� que le gouvernement conservateur n'avait pas exclu de boycotter les Jeux olympiques de P�kin, cet �t�, pr�cisant que la d�cision de M. Harper � ce sujet avait �t� prise � titre personnel et qu'elle ne refl�tait aucunement la politique du gouvernement. On entend souvent parler d'une Chine qui serait "insaisissable". Pour les Chinois, les zig-zag du gouvernement canadien risquent �galement d'�tre assez difficiles � suivre. Jean B�riault Chroniqueur de politique �trang�re [email protected] 11 avril 2008
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JEAN BÉRIAULT
Etudes:
• Doctorat en Histoire (Relations Internationales) de l'Université de
Paris-Sorbonne
obtenu en 1976 suite à la soutenance d'une thèse sur la politique étrangère
chinoise. •Baccalauréat spécialisé en Science politique.
(Relations internationales) UQAM. 1972.
• Baccalauréat ès Arts obtenu au Collège Jean-de-Brébeuf
en 1970.
Vie professionnelle:
A Radio Canada International, chroniqueur spécialisé en politique étrangère
canadienne et affaires internationales depuis 1997 et chef-de-pupitre depuis
plus de 20 ans. Effectue des reportages à l'étranger, aux Etats-Unis,
en Europe, au Proche-Orient et en Asie, pour assurer notamment la couverture
des négociations commerciales multilatérales sous l'égide
du GATT ainsi que celle des sommets de l'OTAN de 1999 et de 2002. Collabore à diverses
publications dont le magazine " Le 30 " pour une chronique mensuelle
sur la liberté de la presse dans le monde de 1993 à 2003. (www.fpjq.org). |
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